Interview Saz Oxe

Mc, dj, slammer, beatboxer et beatmaker, Julien aka Saz Oxe ou Sinnkaya, traîne son univers sur la scène brestoise depuis un bonne vingtaine d'années. Il vient de sortir un projet hip hop lo-fi et chill intitulé "blue move, first movement". Alternative Radio est allé à sa rencontre...

On t’a surtout connu comme rappeur slameur sous le nom de Sinnkaya. Tu es désormais également beatmaker sous le nom de Saz Oxe. Tu t’es mis quand à faire tes propres prods ?

J’ai commencé à écrire  vers 1994 et ensuite à produire, sous cubase 3, vers 1995. Je n’avais pas vraiment le matos, on faisait avec des copains à droite à gauche. Autour de 2000 on devait faire 10h de sons par jour. Après, j’ai fait une pause et j’y suis remis vers 2006 après avoir acheté un peu de matos, mais pas aussi sérieusement que maintenant. J’ai mis du temps à avoir les outils nécessaires pour sortir quelque chose d’assez propre. Il faut de la pratique aussi, surtout que je fais absolument tout ça prend du temps: compo, mixage, mastering. 

Tu viens de sortir le projet «blue move, first movement». Quand as-tu commencé à bosser dessus ?

Les premiers morceaux datent déjà de plusieurs années, mais ils n’étaient pas aussi aboutis que maintenant. Tu prends un sample, tu mets un beat, tu laisses reposer et quand tu reviens dessus tu fais évoluer le morceau au fur et à mesure. Y’en a certains que j’ai fait en plusieurs années alors que d’autres ont été fait en quelques semaines à peine.

Pourtant, le disque est un tout cohérent, qui s’écoute d’une traite pour bien s’en imprégner…

Tout à fait, je trouve ça important. Quand j’écoute un disque et que je mets "play", j’aime que ça raconte une histoire, que tout coule, que ce ne soit pas une compilation qui part dans tous les sens, même si ça reste dans un même style musical ou pas.

Quand tu fais un projet comme ça, je trouve ça important que tu mettes "play" au début et que tu n’aies pas envie de couper.

Il y a une couleur très jazzy à ton album. C’était voulu dès le départ ?

En fait les premiers morceaux, qui datent de pas mal d’années, étaient basés sur des samples de piano jazz. Je suis parti de ce concept pour réaliser «blue move», dont tous les morceaux contiennent un sample de piano jazz.

Tous les morceaux ont un nom en référence à la couleur « bleue », pourquoi ?

C’est un clin d’oeil à la note bleue (NDA: dans le jazz, la note bleue est une note jouée avec un léger abaissement, d'un demi-ton au maximum, qui donne une couleur musicale particulière) utilisée dans le jazz, musique que j'adore, au label Blue Note et tout ce qui s’en suit.

Il y a des beatmakers qui t’ont influencés ?

Souvent, quand on fait du mix et du mastering, on parle de référence en fait. Tu vas prendre tel ou tel morceau en ref' pour t’aider à trouver la bonne couleur dans le mix. Je n’ai pas du tout fait ça car je n’avais pas envie d’être influencé par tel ou tel type de beats ou d’artistes et j’ai essayé de trouver ma propre couleur.

Le disque est majoritairement instrumental mais tu rappes tout de même sur deux morceaux, sous ton alias Sinnkaya. Pourquoi différencier ton blaze de mc et celui de beatmaker ?

Comme tu disais tout à l’heure, les premières fois qu’on m’a entendu, c’était en rap, en slam et un peu en beatbox aussi. Quand je sortais des morceaux à l’époque, c’était surtout basé sur des textes, sous le nom de Sinnkaya.

Quand j’ai commencé à balancer des instrumentaux, j’ai souvent eu les réflexions de potes qui me demandaient pourquoi je ne rappais pas dessus, que ce n’était pas du Sinnkaya. Au bout d’un moment, je me suis dit qu’il fallait dissocier les deux pratiques.

Et aussi quand j’ai commencé à faire de la musique dans les 90’s, j’avais déjà hésité entre ces deux blazes. Ça m'a donc semblé logique de choisir Saz Oxe comme deuxième pseudo. Au moins on sait désormais à quoi s’attendre quand je ponds un track selon le blaze utilisé.

Tu as publié en parallèle d'autres morceaux rappés comme "soul city" et "feuilles d'automne". As tu prévu de sortir un projet entièrement rappé ?

Ce n’est pas l’envie qui manque, j’ai envie de rapper mais j’ai beaucoup de mal à écrire. Avant je pondais 3-4 -16 mesures dans la journée, j’étais toujours en train d’écrire. Peut être que j’en ai trop fais et maintenant quand j’écris, ce n’est pas vraiment la souffrance, mais je ne suis jamais vraiment satisfait. Ce qui est marrant avec «soul city», c’est que je me suis laissé porter par le beat et au final il a été entièrement pondu en 3 jours: composition, écriture, mixage et mastering. Comme quoi il y a des élans d’écriture qui peuvent venir et qui reviendront. Un projet entièrement rappé j’aimerais bien, mais ça ne sera pas pour tout de suite.

Là c’est toi qui rappe sur tes prods, mais tu n’aurais pas envie d’avoir d’autres rappeurs à poser dessus?

Si bien sûr avec plaisir. Là, J’ai fait une instru sur laquelle j’ai commencé à écrire et qui m’a fait penser à un pote qui vient d’Espagne, Face K, et qui fera un feat avec moi dessus.

On ne te voit plus trop sur scène. On t’as tout de même vu l’année dernière prendre le mic à la "Hip-Hop Forge Party" à Plouarzel. Ça ne te démange pas d’en refaire un peu plus ?

Justement j’ai dit que je rapperai à la Hip-Hop Forge Party #2 mais j’ai du taf. J’ai quelques textes mais faut que je mette ça en place sur des prods. Je ne me vois plus faire des sets de 1h et plus, mais plutôt juste des premières parties, d'une durée assez courte.

Après cette soirée qui réunissait Dj Ronns, Kuem’C, Son’Or, Mc LoW et toi, vous aviez parlé de refaire ce plateau dans d’autres endroits...

Oui, tout à fait on attend. Faut qu’on relance L’Odyssée à St Renan. Mais à cinq, c’est compliqué de mettre ça en place niveau planning avec les vies familiales et pro de tout le monde.

C’est toujours compliqué en groupe. J’ai passé 20 ans à attendre les gens pour faire du son. Passé 40 balais tu te dis : t‘as attendu , t’as essayé de lancer des projets, t’as relancé mais il n'y a jamais rien qui se passe. Au bout d’un moment, ras le bol. Là j’suis dans la campagne, tout seul, je me suis dit : j’vais faire du son. J’arrête d'attendre. D’ailleurs c’est la première phrase du morceau «feuilles d’automne».

Tu es également dj-selecta avec Les Pousseurs de Disques et le Calypso Groove…

En fait, le Calypso Groove c’est une asso que j’ai montée avec ma chérie pour organiser des trucs mais au final, on manque un peu de temps. Avec les Pousseurs, on est au Central à Landerneau tous les deuxième samedi du mois.

Des projets pour la suite ?

J’ai 3-4 albums en route, dont un entièrement instrumental qui sera plus doux que «blue move » J’suis aussi en train de remixer l’album «la complainte du diable», un disque uniquement guitare/voix de Mickael Guerrand. Et je vais aussi sortir le «blue move, second movement», qui sera dans la même vibe.