3 Juillet 2024
(visuel par Bigno(i)se Graphisme)
Guillaume Perret est sans aucun doute un des jazzmans les plus passionnants de sa génération, triturant son saxophone avec un style bien à lui. On a profité de sa venue à la ferme du Buis-Sonnant à Plouguernevel dans les Côtes d'Armor pour lui poser quelques questions....
Qu'est ce qui t'a donné envie de faire de la musique ?
On habitait avec mes parents près d’un conservatoire à Annecy et ils m’ont proposé de faire de la musique et les beaux-arts. Pour moi le saxophone a été d'entrée de jeu un déclic. J’ai été en saxophone classique pendant 12 ans mais j’étais impatient de pouvoir rentrer dans les premières classe de jazz pour la liberté que ça amène. Et ensuite j’ai eu de gros coups de coeur pour la musique indienne, le metal, etc. Des choses très différentes mais qui se rejoignent en fait. Je voyais vraiment la musique comme des légos qu’on mélange ensemble pour en faire une création.
Pendant 12 ans, j’ai été sideman, j’ai joué dans pleins de groupes, ce qui m’a permis de forger mon style à travers ces expériences. J’ai également fait des musiques de spectacles qui m’ont fait faire des compos. J’ai aussi commencé à utiliser des pédales d’effets, à avoir une démarche très particulière avec ça. Je voulais transformer le son de l’instrument de manière radicale.
Et puis quand je suis arrivé à Paris, j’ai commencé à monter mes projets...
Tu frappes fort pour ton premier album en 2012 en signant chez Tzadik, le label de John Zorn, qui était l’écurie parfaite pour accueillir ta musique atypique. Comment s'est faite la rencontre avec John Zorn?
A l’époque j’étais en couple avec une danseuse chorégraphe, Kaori Ito. On était deux gros bosseurs. Elle menait tous ses spectacles, et moi je travaillais sur mon premier album. Elle était pote avec John Zorn, elle avait habité un peu à New York. De temps en temps, ils se faisaient des skype. Moi je voyais ma copine converser avec Zorn via l’ordi et j’étais là, à côté, incroyable !
Du coup je lui envoie un enregistrement de l'un de nos concerts et lui ai demande ce qu’il en pense. Il m’envoie en guise de réponse un petit mot positif, me disant qu’il trouve ça excellent et qu’il espère nous voir en live.
J'ai continué à bosser sur l’album, j’ai trouvé des producteurs, toute une équipe. On a tout produit nous même jusqu’au mixage et je lui ai envoyé le résultat. Et il m’a envoyé un énorme mail qui fini par "huge respect" et où il me dit qu'il veut le sortir sur son label. Ils se sont occupés ensuite du mastering et de la pochette.
Il vient d’être édité en vinyle pour la première fois…
En fait, Tzadik ne fait pas de streaming. Je comprends la démarche, politiquement et tout, mais parmi les auditeurs de 20-30 ans et encore plus chez les plus jeunes, pas grand monde n'achète de disques. J’ai insisté, mais il refusait systématiquement. Au bout de 10 ans il a accepté mais il a demandé qu’on n'indique pas Tzadik sur les plateformes. Dans la lancée, je lui ai demandé si je pouvais aussi le sortir en vinyle, avec la pochette que j’avais prévu initialement et il m’a laissé gérer ça tout seul.
Tu as ensuite fait un autre disque avec les Electric Epic, avant de te lancer en one-man-band. On peut savoir les raisons qui t’ont pousser à te lancer en solo ?
J’avais envie d’aller plus loin dans l’exploration, au niveau des loopers etc. C’était une expérience…
Ca ne te manque pas parfois de rejouer en groupe ?
Ah si, mais après j’ai remonté un autre quartet avec lequel on a enregistré le documentaire sur Pesquet. Là je suis sur un nouvel album, que j’ai déjà enregistré et qui sortira début 2025, où l’on est deux, avec un batteur. Sur cet album, j’ai voulu m'améliorer en tant que producteur, et aussi dans le maniement des synthés, des drums, etc. J’ai mis beaucoup de temps parce que c’est un domaine que je connais beaucoup moins, même si je bossais déjà beaucoup sur ordi.
Comment t’es tu retrouvé à faire la b.o. du documentaire sur Thomas Pesquet, "16 levers de soleil" ?
L’équipe des réalisateurs avait déjà fait un premier documentaire sur lui, "l’étoffe d’un héros", pour lequel ils avaient utilisé des musiques issues de mes albums. Suite à ce documentaire ils m’ont contacté directement, pour me présenter leur nouveau projet où il y aurait des images de la station et même la possibilité d’enregistrer un morceau dans l’espace. Évidemment , j’étais hyper chaud !!!
J’ai envoyé à Thomas Pesquet la partition d’un morceau par mail, qu’il a enregistré en apesanteur.
Sur cette b.o, tu collabore sur deux titres avec des rappeurs, Lino d’Arsenik et Nya qui a beaucoup travaillé avec Erik Truffaz… C'est une expérience que tu voudrais réitérer?
Pourquoi pas! A l’époque j’étais en relation avec une personne qui m’avait proposé Lino et m'a mis en relation avec lui! Nya, par contre, était un choix perso. C’est un artiste que je porte dans mon coeur et qui est exceptionnel.
Sur le prochain album, j’ai fait venir pour trois morceaux un mec de Londres, Juice Aleem, qui est un super poète/rappeur.
Sur l’album "free" en 2016, il y a un morceau intitulé "cosmonaut". C’était déjà prévu que tu travailles sur ce doc' ?
Pur hasard…
Tu a joué ce soir dans une ferme, endroit plutôt inhabituel pour toi je suppose, plus habitué aux théâtres et aux SMAC…
Ici on est trop bien, c’était parfait. J’adore jouer dans ce genre d’endroit. Ce qui est important aussi, c’est quand l’équipe organisatrice est une bonne team, qu’il y a une bonne ambiance avec des gars qui font ça pour l’amour de la musique. Il y a ici une vibe hyper accueillante. En plus ici, ils font le repas en fonction de la programmation, ils s’inspirent de la musique de l’artiste invité pour concocter leur menu. Je me réjouis d'avance du repas!
Avec Electric Epic, on a fait des festivals rock et aussi des théâtre avec des publics d’abonnés . Et c’est vrai que c’est une vibe très différente. C’est pour ça que là, j’ai voulu faire deux projets. Il y a celui avec Tao Ehrlich, le batteur avec qui j’ai bossé pour le prochain disque, qui est très musique actuelle, et avec qui on ne fera que du debout. Et on tourne aussi en mode ciné-concert avec le doc' sur Pesquet qui est parfait pour les théâtres.
Tes coups de coeurs musicaux du moment ?
En ce moment je bosse sur un gros projet sur la Passion selon St Jean. J’écris pour l’orchestre, le choeur et cinq musiciens plus moderne, deux claviers, basse batterie et puis sax, avec des danseurs aussi. C’est un projet que j’ai récupéré, car les arrangements devaient être fait depuis un an, c’était un peu la cata. C’est tout récent j’ai commencé il y environ trois semaines. Je fais trois nuits blanches par semaines, donc je n’écoute plus rien.
Mais le dernier mec qui m’a super inspiré, c’est Nils Frahm. Il m’a donné envie d’aller vers la subtilité alors que moi avant c’était plus l’énergie. Je rêve de faire un album d’ambiant par exemple.